ton héritage

Publié le par CaroB

Blog à l'abandon, c'est plutôt bon signe; c'est que la vie est bien remplie, qu'elle prend le dessus sur le virtuel, sur les tergiversations, les introspections et autres déraisons.

Mais je ne sais pourquoi, l'écoute de cette (sublimissime) chanson de Biolay associée au souvenir de la journée d'hier m'a donné envie de reprendre un peu le clavier.

 

hier donc, nous étions en sortie scolaire avec des collègues de choix. Il faisait beau, nous avons visité le pavillon de l'eau puis avons déambulé un peu le long de la Seine après avoir déjeuné sur le parvis de Notre Dame. Les premiers rayons du printemps étaient de la sortie. Ca aurait donc pu être une sacrée belle journée. D'autant que, d'ordinaire, ces journées que l'on passe à l'extérieur du collège, avec nos élèves, sont souvent pleines de belles surprises, d'enthousiasmes, de partage, de rires.

c'était sans compter sur les phénomènes que nous avions décidé d'emmener à la capitale. Jamais nous ne sommes rentrés aussi éprouvés et épuisés. Etrange sentiment que celui d'avoir l'impression ahurie d'être face à de petits animaux sauvages qui ne possèdent aucun code, qui passent le plus clair de leur temps à hurler, gesticuler, s'affronter. Retour à l'ère de Néandertal en somme.

Je vous passe les détails: certains ont donc beaucoup crié ; ont craché en plein musée, s'y sont vautrés ventre à terre, se sont tirés les cheveux, les vestes, faits des croche pieds; ont couru, se sont jetés de l'eau, du sable, de la nourriture. Et nous nous sommes égosillés.

Et pourtant... cette journée me laisse un goût amer. Le plus sauvage de nos petits homo erectus , c'est Emilio. On ne sait pas bien pourquoi il a ce comportement ingérable, cette frénésie physique et verbale; pourquoi il ne peut tenir assis, pourquoi il croque et mâche tout ce qu'il trouve, pourquoi il s'agrippe et saute dans tous les sens. il sera d'ailleurs sanctionné pour son comportement des plus inadéquats.

Il n'empêche... j'ai passé de nombreuses heures quasi collée à lui: il ne tenait en place que soutenu, tenu et à 2 cm d'un prof. Il a fallu que l'un de nous ne s'ocupe que d'Emilio la journée durant de crainte d'un accident. Et bien dans ces moments à lui tenir le bras, j'ai été bouleversée par sa fragilité, par ce manque d'amour criant qui, sans justifier, explique sans doute en partie ses débordements. Quand il était seul près de moi, je l'ai senti à plusieurs reprises se calmer, s'apaiser un peu; quand je réussisisais à lui parler , il se posait. Oh, pas bien longtemps, je ne suis pas magicienne mais.. il y a eu des minutes bénies. Celle où il m'a demandé avec ses grands yeux brillants pourquoi, moi, j'étais si calme.... Ces instants où il a pris son copain dans ses bras pour un câlin, un vrai câlin, celui qu'un petit garçon voudrait avoir avec sa maman. En arrivant au collège, avec toute son ingénuité et sa sincérité déconcertante, il nous a remerciés pour la sortie alors qu'on l'avait puni en permanence, qu'on s'était fâché et qu'il savait qu'il ne pourrait pas participer à la prochaine .

Aujourd'hui, je n'avais pas cours avec Emilio mais je l'ai vu arriver devant ma salle en courant avec toute sa brusquerie et sa maladresse, il venait simplement me dire bonjour.

Alors j'entends oui... qu'li est dangereux, qu'il est ingérable, qu'on ne peut pas s'occuper exclusivement de lui alors qu'on a 55 autres enfants à gérer. j'entends que s'il ne respecte pas les règles, s'il déroge, il doit être puni.

Mais voilà..;Emilio ne gère pas ce qu'il est. J'aimerais pouvoir entrer dans sa petite tête ronde et frisée, comprendre ce qu'il s'y passe, découvrir s'il réalise, s'il est conscient de ses dysfonctionnements, s'il en souffre.

il y a des jours comme ça où je me sens bien trop démunie dans mon métier, où je sens que je ne peux apporter que durant un instant, un cadre et une écoute. Et cela me semble trop peu. Hier Emilio avait besoin de bien plus qu'un bras le tenant fermement mais ce n'est pas mon rôle de lui fournir cette affection, cet amour dont il semble tant manquer. Je n'en suis que le témoin. et lui, il devra se construire avec ça, son héritage.

 

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