Direction Simal
L'entrée dans l'aéroport de Dakar est un premier choc. On se retrouve immédiatement dans la salle réservée à la récupération des bagages et, là, c'et un fourmillement d'objets divers et variés qui traînent: des valises évidemment qui semblent avoir été oubliées, abandonnées, qu'on a entassées là où on a trouvé un coin. Ces valises que l'on dynamiterait plus vite que notre ombre en France paraissent dormir dans cette salle depuis des mois. Elles attendent le retour éventuel de leur propriétaire sans qu'une quelconque organisation ne semble mise en place pour les réacheminer. D'ailleurs, je me souviens avoir entendu Jean-Michel dire à l'une des gazelles n'ayant pas récupéré son bagage ::" le plus probable est que tu le retrouves à l'aéroport au retour". Mais les valises ne sont pas seules à joncher le sol de cette salle,, des poussettes, des chaises cassées, des chaises hautes pour bébé, des cartons..De toute évidence, les objets perdus de Dakar se trouvent dans l'aéroport Sedar Senghor.
C'est en attendant mes lourdes valises que je comprends pourquoi les produits anti moustique nous ont été si vivement conseillés: dans cette salle surchauffée et à l'air étouffant, ces petites bestioles nous entourent et guettent la moindre parcelle de peau offerte.
J'essaie de tout enregistrer visuellement. Je suis avide de garder en mémoire chaque sensation, chaque image et l'une d'elle me marque: le seul bureau en apparence officiel est surplombé d'un écriteau "BUREAU POUR LES SENEGALAIS QUI VIENNENT DE l'EXTERIEUR". Cela m'amuse et je ne comprends pas trop. Une semaine plus tard, après avoir rencontré tant et tant de personnes désirant quitter leur pauvreté, espérant rejoindre notre eldorado français, je comprendrais que les tentatives, souvent avortées sont légion.
Nous sortons de l'aéroport. Bien qu'il soit 2h30 du matin, il y a un monde fou à l'extérieur. Ca pullule de personnes , on est entouré d'une foule abondante qui semble être là pour passer le temps.
Sept femmes nous attendent: c'est l'équipe des "7 pas simal" qui va participer à la sénégazelle, comme nous. Leur particularité est qu'elles vivent à Dakar, expatriées, elles connaissent déjà le Sénégal et nous y accueillent , chaleureuses et joyeuses. Elles nous offrent des cacahuètes typiques et leur hymne que nous entendrons durant 1 semaine.
On nous dirige vers le parking où des espèces de mini bus nous attendent, minibus au-dessus desquels un coffre de toit sommaire a été aménagé afin d'y entasser notre chargement. Une dizaine de Sénégalais se démène pour tout hisser. Ils sont impressionnants. Chaque sac, chaque valise, chaque carton pèse 23kgs et contient de lourds cahiers. Pour autant, ils hissent ces fardeaux à la seule force de leur bras. Cet équipage qui se prépare est pittoresque: un amoncellement de bagages empilés, arnachés tant bien que mal à l'aide de cordes nouées. Et ces hommes qui s'interpellent, crient et semblent mener ce chargement de façon totalement désorganisée et aléatoire. Pas tant que ça. en 20 minutes, nous sommes installées dans nos engins , prêtes à partir.
On roule pour sortir de Dakar. On a quelques frayeurs car le code de la route semble inexistant: on dépasse n'importe où, les passants traversent des artères dignes de la francilienne, des voitures croisent des charrettes tirées par des ânes, Les barrières de sécurité sont ici remplacées par des pneus qui jalonnent la route. Notre chauffeur, énergique et nerveux, a même l'audace de faire des appels de phare et de klaxonner la voiture de police qui se trouve devant nous et qui est trop lente à son goût. Tant que nous sommes à Dakar, le monde urbain est encore visible bien que parfois dans un piètre état. De nombreux immeubles sont laissés à l'abandon, de nombreuses constructions ne sont pas terminées.
Durant ce trajet, on commence aussi à toucher du doigt la gestion toute particulière que les Sénégalais ont du temps: la pause -pipi qui nous est octroyée s'étale sur 45 minutes...on ne sait pas bien pourquoi, on s'interroge du regard, interloqué. et on rit beaucoup. La fatigue aidant, on s'amuse de cette conduite si brutale, de ce chauffeur qui parle fort, qui crie, et qui nous réclame les fameuses cacahuètes qui nous ont été offertes. Lors de cette pause, tous les chauffeurs viendront nous les réclamer. ils souhaitaient avoir des bonbons, nous n'avons pu leur offrir que ce petit présent. Mais déjà... nous sentons que nous sommes à leurs yeux ceux qui possèdent, ceux qui peuvent offrir et donner sans compter. Et c'est déstabilisant de constater que cette offrande bien maigre , il la convoite tous comme un précieux cadeau.
Nous dormons les unes sur les autres. Angélique s'est assoupie sur mon épaule, nos jambes se superposent sur les sacs. J'ai l'impression que nous-mêmes, nous nous sommes transformées en cargaison. Je m'assoupis un moment. Ces 200 kilomètres sont interminables.
Lorsque je me réveille, je suis stupéfaite: le bitume,et le béton ont entièrement disparu: la nuit est totale, il n' y a plus le moindre éclairage autour de nous hormis celui des phares et je distingue ce qui m'entoure: du sable, du sable et encore du sable. Nous roulons sur une piste qui traverse une immense étendue de néant. J'en ai le vertige. Parfois, un soupçon de végétation surgit : quelques baobabs s'élancent et apparaissent au grè de notre progression. Nous sommes secouées, bringuebalées: la piste n'en est plus vraiment une et nous sommes projetées les unes contre les autres à chaque fois qu'une bosse, un talus, un trou surprend notre véloce chauffeur.
Nous traversons donc de nuit le village de Simal qui nous deviendra par la suite si familier. Pour l'instant nous n'en distinguons pas grand chose: bien qu'il traverse un village, notre chauffeur pense toujours participer à un rallye contre la montre. Toutefois, on constate que les habitations sont faites de terre séchée et de paille, une sorte de torchis africain; que de nombreuses palissades vétustes séparent les "propriétés", que les chèvres sont déjà en balade et, surtout, bien qu'il soit 6h30 du matin, que certains enfants sont déjà en train de cheminer à pied.
Nous atteignons enfin notre écolodge, le lieu où nous serons logées à la sortie du village. L'arrivée était prévue à 5h, il est en fait 7h et nous nous installons pour le petit déjeuner. Nous sommes toutes épuisées: Nous sommes parties d'Orly la veille en milieu d'après-midi et nous avons l'impression d'avoir déjà vécu deux jours toutes ensemble tant ce voyage a été long. Nous avons donc un mal fou à réaliser que nous sommes attablées, les pieds dans le sable, au bord du fleuve Saloum, sous les hautes branches de cet arbre majestueux qu'est le fromager.
Nous allons rejoindre notre case, que l'on découvre à peine tant notre corps épuisé réclame quelques heures de sommeil. Julie, Charotte, Angélique et Raphaëlle ont une case près de la nôtre. Je cohabite avec mon accolyte professionnelle (mais pas que) Aurélie, sa grande et performante amie Sandrine et Mireille avec qui nous sympathiserons durant le séjour. Sans nous concerter, nous nous affalons chacune sur un lit, prenant soin de nous envelopper de la moustiqaire surplombant notre couchage , et c'est bercées par le chant de mille insectes et oiseaux enchanteurs que nous tombons dans les bras de Morphée.